Qu’est-ce que la bistronomie ? « Un terme inventé par les journalistes », vous dira Yves Camdeborde. Et il n’a pas tort, puisque le concept est né sous la plume de Sébastien Demorand, chroniqueur à Zurban. Pourtant, le phénomène existe au-delà des mots. Offrir de la qualité pour un prix raisonnable, une alternative aux dîners protocolaires et à la pizzeria du coin. Une formule, à mi-chemin entre la grande cuisine et la brasserie, qui manquait aux gourmands. D’abord sceptiques, le milieu et la presse se sont rapidement inclinés devant la ferveur du public.
A l’origine de ce souffle nouveau, Yves Camdeborde, chef béarnais qui a fait toutes ses classes dans les plus prestigieux établissements parisiens. S’il refuse aujourd’hui la paternité d’un concept novateur, c’est que la bistronomie s’est imposée à lui. En 1992, alors qu’il s’apprête à s’installer à son propre compte, Yves Camdeborde est contraint de réviser ses ambitions par manque de moyens. La gastronomie est en perte de vitesse. Il n’a d’autre choix que de repenser son rapport à la restauration. Et l’équation est simple : proposer un menu complet et de qualité pour moins de 40 euros par personne.
Une recette qui impose des coupes dans le budget. Elles se feront au détriment du décor, du protocole et de la technicité, mais en aucun cas de l’assiette.
Ses années passées aux côtés des plus grands lui ont appris le respect des produits et du client. Fidèle à ses premiers amours, Yves Camdeborde se pose en défenseur de la gastronomie. Une forme de respect qu’il exprime en des termes sportifs : « Ils sont en ligue des champions, nous sommes en 3e division ». La passion, la conviction, la démarche est identique. « C’est juste une autre dimension, une autre forme de réussite ». Loin d’être concurrentes, la bistronomie et la gastronomie se complètent. En effet, par sa démarche, Yves Camdeborde espère éduquer le client aux plaisirs de bouche, aiguiser sa curiosité, et lui montrer le chemin vers la haute gastronomie. Un positionnement plus dommageable aux grandes chaînes et aux restaurants « concept » qu’aux établissements centenaires. Car si l’on n’a jamais si bien mangé dans les grands restaurants, le « bas » s’est appauvri. Le packaging se vend souvent plus que l’assiette. Un constat que déplore Yves Camdeborde.
En ouvrant son restaurant du carrefour Saint-Germain en 2004, le jeune chef comprend le besoin et l’attente des gourmands pour un « entre-deux ». Mais après douze ans passés à la tête de la Régalade, son bistrot du 14e arrondissement, Yves Camdeborde choisit de ne plus choisir. Il offrira les deux.
Le midi, il cuisine pour les touristes, les étudiants et les hommes d’affaires de passage. Une carte café brasserie, dans l’esprit du quartier : croque-monsieur de saumon fumé, salade niçoise, pied de porc désossé ; le tout dans une ambiance bistrot très Saint-Germain. « Tickets restaurants bienvenus », aime-t-il à rappeler. Le soir, changement de décor, le Comptoir se transforme en restaurant gastronomique pour une poignée d’élus. Les vingt-deux tables du déjeuner sont réduites à neuf. Les verres en cristal font leur apparition et le menu, unique, renoue avec les plus fines saveurs. Pour l’aider à faire vivre son comptoir, Yves Camdeborde s’est entouré de trente-deux employés, dont sa femme Claudine, affairée à la gestion de l’hôtel attenant. L’endroit respire la douceur de vivre, la convivialité.
Et le succès ne se dément pas : le Comptoir affiche complet chaque soir. Et il faut toujours des mois d’attente pour obtenir une table ….
Avec Julie Martin
Le Comptoir – 9, carrefour de l’Odéon – 75006 Paris – Tél : 01 43 29 12 05
Métro : OdéonCarte brasserie 30-50 € (midi), menu 60 € (soir).
Tous les jours, non-stop de midi à 18h (23h samedi et dimanche) ; restaurant (sur réservation) à 20h30 (sauf samedi et dimanche).