«Dis papa, vous mangiez de la viande tous les jours dans vos bistros ?» demanderont les bambins en 2030. Les ancêtres se souviendront-ils de 2008 comme l’année de l’irruption de la crise alimentaire due aux mauvaises récoltes et à l’augmentation de la population mondiale ?
Vu sous l’angle du bistro parigot, le prix des matières premières a pris en moyenne 10% en six mois, mais on sait que certaines d’entre elles comme les céréales ont dépassé les 30%…
Et malgré la crise, cette tendance à la hausse se poursuit en 2009 pour les produits de grande consommation. Selon une étude du cabinet Nielsen, ils ont augmenté de 2 % par rapport à janvier 2008. Avec des pics de plus de 10 % pour les pâtes (+10, 8 %), le riz (+11,2 %) et l’huile (+8,4 %). Le vin de table a augmenté de 8,1 % et la farine de 5,7 %. Bref, ça ne s’arrange pas.
Que faire sachant que dans le même temps, les repas d’entreprises et les notes de frais généreuses se font de plus en plus rares… ? «Pour l’instant on rogne nos marges ! » expliquent en substance les patrons. «Même les tripous ont pris 15% d’un coup, explique un patron de bar à vin. Mais ça reste rentable à travailler. L’assiette de trois tripous revient à 3€ pour un prix de vente 12 à 15€. »
Tout cela explique que le prix des formules du midi ne risque pas de monter. Au contraire bien des bistrots se mettent dans une stratégie de prix d’appel. D’autres ont prévu d’étendre leur gamme de prix. Une majorité de patrons semble pour l’instant avoir choisi de faire le gros dos et de rogner ses marges ou de se farcir Rungis pour contourner l’acheteur et ses com. Encore faut-il danse ce cas de figure avoir le temps et supporter les petites nuits.
L’heure des cadors du bistro a sonné.
Quand la crise s’installe, sonne alors l’heure des cadors du bistro, ceux qui pratiquent l’art bistrotier par excellence, l’art de mitonner des bas morceaux, d’accommoder les restes et de jouer le produit de saison.
Quand le bœuf prend 15% en trois mois, on se rabat sur le porc dont les cours restent comparativement bas. « Une crépinette de pied de cochon ou un mitonné de joue de porc, c’est délicieux» dit Xavier Grégoire chef de Tante Alice, dans le 10e. On peut également tenter la joue de bœuf». «On peut aussi tomber sur des produits mal parés et donc moins chers, comme du veau et le débiter en fines lamelles pour faire un picatta de veau…» explique pour sa part Frédéric Boulanger au Petit Acacia. D’autres enfin font dans le world, avec boulettes, kefta et autres fricadelles …
Une tête de veau ravigote coûtera toujours plus cher qu’une pizza.
Il y aura toujours des radins qui auront beau jeu de s’indigner… mais finalement sur un menu bistro populaire avec sa formule de 11 à 15€ en moyenne, une fois tout payé- personnel, matières premières et loyer-, il ne reste pas grand-chose. Un bœuf aux carottes ou une tête de veau ravigote, restera toujours plus cher à produire, en matières premières ou en manutention, qu’une pizza, vendue 13€ en moyenne et qui coûte moins de 1,50€ !