« La matière ne vaut presque rien par rapport à la communication…”
Entretien avec Benoît Daviron, chercheur au Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (Cirad) et auteur d’un ouvrage intitulé Le paradoxe du café (Editions Quae) écrit avec Stefano Ponte.
A vous lire, on a le sentiment que fabriquer du café ou fabriquer des Nike, c’est à peu près la même chose ?
Oui, tout à fait, la valeur du produit compte pour très peu dans le prix final. La matière ne vaut presque rien par rapport à la communication et toute l’image fabriquée autour du produit.
Le café éthique représente-t-il une tendance de fond ?
C’est un secteur dynamique. Il y a des marchés comme la Hollande où le café éthique représente 7 à 8 % de la demande. Aux USA, c’est également un marché en croissance très soutenue. Même si son impact est limité pour l’instant, le marché de l’éthique a donné des idées à pas mal de monde. Ainsi se sont développés des labels et des certifications comme Rainforest Alliance ou Utz Kapeh. Des grandes entreprises commencent à s’y intéresser sérieusement.
Les indications d’origines géographiques, pourraient-elles améliorer le sort des producteurs ?
A part quelques appellations comme le “Blue Mountain” jamaïcain, je n’y crois pas. Et contrairement au vin où existent des AOC on ne retrouve pas dans le café ces traits distinctifs. Une fois que le vin est mis bouteille, il peut être commercialisé. Ce n’est pas la même chose avec le café. Ce qui fait le métier d’un torréfacteur c’est justement de mélanger des origines afin de faire un bon mélange. Néanmoins je crois que dans le futur, les torréfacteurs devront fournir plus d’informations sur les assemblages et leurs origines.
Dans votre ouvrage vous pointez également une dégradation de la qualité des assemblages ?
Il faut relativiser. Il y a eu durant les années 90 et le début des années 2000 de plus en plus de robusta dans les assemblages car l’offre de robusta a très nettement augmenté avec la production du Vietnam. Il était intéressant d’en rajouter pour le torréfacteur puisque le robusta pouvait être jusqu’à deux fois moins cher que l’arabica. Le savoir-faire des torréfacteurs a alors consisté à faire en sorte que le consommateur ne s’en rende pas compte.