Chapeau Joulie ! En rachetant le Bouillon Chartier, l’une des adresses les plus emblématiques de Paris, il ajoute une pierre de taille à la saga d’un Rouergat parti de rien, qui en 40 ans a fait fortune dans la limonade parisienne, au point de devenir l’un des seigneurs de la bistrocratie.
Chartier, adresse bouillonnante fréquentée par des milliers de gens venus de tous les coins du monde, fascinés pas ce ballet de garçons aux bras chargés d’assiettes à petits prix. Une adresse populaire dans le bon sens. Mais qui n’a pas grande chose à voir avec les autres affaires de Gérard Joulie. De belles brasseries de luxe plutôt “NAP” (Neuilly-Auteuil-Passy) comme l’Auberge Dab, le Congrès Auteuil, le Sébillon, des “bistro-gastro“ tels que Chez André. Alors, pourquoi Chartier ?
Paris, trop cher ! Un couvert bon à 20 €, c’est possible.
«Je recherchais un endroit authentique de Paris. Chartier est typiquement français, c’est l’image de la brasserie parisienne. Je ne souhaitais pas que cette affaire soit reprise par d’autres. J’aime cet endroit qui voit défiler la jeunesse du monde, des Suédois des Japonais. J’ai voulu garder cette tradition. Je pense qu’on peut faire du bon couvert à 20 €. Alors que les touristes pensent qu’on ne peut pas manger à Paris pour moins de 100€. »
Les objectifs qu’il s’est fixés avec Chartier ont de quoi tournebouler n’importe quel bistro de quartier : 450 000 couverts par an, soit grosso modo 90 000 de plus qu’aujourd’hui. Car il va lui falloir rentabiliser le ticket d’entrée. On parle de 4,5 millions d’euros. Pour y parvenir, les Joulie –car Gérard travaille avec ses deux fils (ci-dessus, Christophe, le DG)- vont s’attacher plus que jamais à maintenir ce qui a fait la réputation du Bouillon Chartier, à savoir une cuisine traditionnelle à prix très serrés mais avec une amplitude d’ouverture beaucoup plus importante.
Pas question de rater le défi. Gérard Joulie, lui-même le reconnaît. Chartier c’est sa revanche sur Batifol. Il n’a pas digéré l’échec de sa chaîne de bistrots Batifol créée à la fin des les années 80 . «Batifol était trop en avance sur son temps» explique-t-il. On a beaucoup glosé aussi à l’époque sur une émission de M6 qui a présenté Batifol comme une chaîne alimentée par une cuisine centrale de collectivité, « alors qu’il s’agissait d’un laboratoire d’intégration verticale qui nous permettait de maîtriser le produit. Mais si c’était à refaire, il n’y aurait plus de labo aujourd’hui.» A la fin des années 90, Gérard Joulie fut obligé de vendre la plupart de ses emplacements à Buffalo Grill.
Autonomie de gestion
Chaque affaire est indépendante avec un directeur qui assure la gestion du personnel. L ’intéressement est devenu la règle. Il permet par exemple à un plongeur d’empocher en primes jusqu’à un mois de salaire. «Ca me rend heureux de savoir mon personnel bien payé. » Cela limite aussi le turnover dans la restauration jamais très bon pour des belles affaires qui demandent un service au client de haut niveau bâti sur l’expérience. Ce que n’ont pas forcément des jeunes qui débutent. Mais sur ce point toutes les affaires Joulie ne sont pas logées à la même enseigne. Certaines affaires ont plus la cote que d’autres. Il en va ainsi de l’Auberge Dab dont les places sont très recherchées…