Le bistrot de Paris classé par l’Unesco … Après la reconnaissance du Repas gastronomique des Français, il fallait bien qu’un jour l’idée éclose et se concrétise. C’est fait. Le 29 novembre, dans le sous-sol d’un troquet du 2e arrondissement, a ainsi vu la constitution de « l’Association pour l’inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco des Bistrots et Terrasses de Paris en tant qu’art de vivre ».
Parmi les membres fondateurs de l’association, le GNI-Synhorcat (syndicat majoritaire du CHR parisien- NDLR), France-Boissons, le Devoir Parisien-Compagnons du Beaujolais, les Francs Mâchons de Paris et les Maîtres-restaurateurs de Paris ou encore la Maison Joseph Drouhin honorablement connue pour ses grands bourgognes et ses vins de l’Oregon. Alain Fontaine, Parigot pur souche depuis des générations, et patron du Mesturet classé Coupe du Meilleur Pot 2016, en sera le premier président. (lire son interview)
Tout est dit dans les statuts de l’association. Il s’agit de faire classer par l’Unesco les bistrots de Paris et leurs terrasses, symboles d’un art de vivre parisien, comme élément du patrimoine immatériel. Les membres se donnent trois ans pour y parvenir. Avec l’appui d’un cabinet de lobbying lié au Club de la Table Française. La première année devrait être consacrée à obtenir le soutien des ministères.
Une fois l’inscription réalisée, l’association appelée à grossir pourra proposer une labélisation impliquant le respect d’une charte pour les bistrots comme pour les terrasses. C’est peut-être ce qui fait peur à certains … A l’exemple de l’association Tradition du Vin qui décerne le trophée bistrotier de la Bouteille d’Or concurrent de la Coupe du Meilleur Pot. Elle a préféré décliner l’invitation à rejoindre « l’association Unesco ». «On ne sait pas où ça va, on préfère rester indépendant » explique Paul Calvet, président de Tradition du Vin.
En attendant, on voit mal le dossier « Bistrot Unesco » avoir une chance de succès sans le soutien de la Mairie de Paris. Lors de premiers contacts, l’équipe d’Anne Hidalgo a fait valoir qu’elle ne voulait surtout pas que cela entraîne un effet de « sanctuarisation » des terrasses et des bistrots parisiens.
D’autant que jusqu’à présent, la Mairie de Paris semblait avoir choisi la voie bistronomique. En avril dernier, l’hôtel de Ville avait abrité un grand raout intitulé « Paris le Plus grand bistrot » patronné par Alain Ducasse consistant à médailler 100 patrons plutôt bistronomes dans l’âme et dans l’assiette que bistrots* … Le dossier « bistrot Unesco » risque ainsi de brouiller les curseurs de la municipalité. Et l’équipe d’Anne Hidalgo pourrait bien être condamnée à sortir de l’ambiguïté du bistrot au risque de le faire à son détriment comme l’avertit la maxime.
Car par une certaine malice propre au mot, donner une définition du bistrot c’est un peu faire une profession de foi politique en affichant ses valeurs. Ainsi, confondre bistrot et bistronomie -a fortiori quand on se proclame de gauche- et ignorer le modèle économique bon marché et le lien social propre au bistrot classique peut, du coup, susciter des retours de bâton. Anne Hidalgo et son équipe, obnubilés par leurs JO, n’en n’ont peut-être pas eu totalement conscience jusqu’à présent. Sauf à considérer le bistrot comme un détail … où là comme ailleurs le diable pourrait bien gésir.
*Lire notamment la définition donnée par Bernard Pivot