Reporter au Parisien pendant 50 ans, Jean Cormier est décédé le 17 décembre. Si les valeurs du bistrot devaient s’incarner dans un bonhomme, il aurait fait une figure idéale : anti-triste sire, contact extraordinaire transcendant les classes sociales, amateur de vins de copains comme de grands crus, fine gueule, expert en rugby et en cyclisme autant que de Che Guevera à qui il avait consacré bien des ouvrages. Le pilier de comptoir rêvé par tout patron…
Par la magie d’un âge d’or de Saint-Germain des Prés, Jean Cormier fut à la suite de son confrère et écrivain Antoine Blondin la cheville ouvrière du Marathon des Leveurs de coude. Seul exploit réussi à ce jour de la concrétisation d’une vieille chimère poétique française rêvée notamment par les deux François, Rabelais et Villon, visant à créer une joie communicative autour de la dive bouteille en arpentant les rues de Paris et en finissant la journée par des promesses de bonheur éternel au zinc.

Jean Cormier était le genre de type capable d’avoir comme ami un clochard, un petit éleveur de canards, une star de cinéma ou un ministre et d’accorder à chacun la même attention.Il aimait mélanger les gens et les genres… Comme pour ce « marathon » 1996, dont il avait fait Colette Besson, médaillée d’or au JO de 68 de Mexico pour le 400m, la marraine. «Elle qui ne buvait que de l’eau se retrouva au milieu de marathoniens soiffards alors qu’elle pensait assister à un vrai marathon. Elle accusait Jean de l’avoir gentiment piégée» se souvient en riant Jean-Marc Plantade, ancien journaliste au Parisien.
Le carnet d’adresses de Jean Cormier était long comme un jour sans pain. On raconte qu’il permit un jour à quelques joueurs du XV de France qu’il accompagnait d’éviter de sérieux ennuis judiciaires après une troisième mi-temps « agitée » avec la police irlandaise. Jean Cormier avait fait intervenir Jean Glavany alors chef de cabinet de François Mitterrand. De même, avait-il pu rattraper le coup après un sérieux clash entre des participantes du Marathon et un commissaire de police qui s’était dès lors juré d’avoir la peau de ce drôle de carnaval. De fait, longtemps la préfecture de Police, la PP, a eu cet événement singulier dans le collimateur. Depuis l’irruption des casseurs qui accompagnent désormais la plupart des manifs, couvrir le Marathon des Leveurs de Coude pour un flic, c’est le rêve.
Hérault de la basquitude parisienne, il était d’Euskadi par sa mère. Jean Cormier était au centre d’un maillage basco-sud-ouest fait de rugbymen, de restaurateurs, de charcutiers tels Oteiza qui prisaient son cri du cochon unique. De là, aussi son goût des belles tables bistrotières et sa réputation de «fine gueule » confirmée par ses ouvrages gastronomiques.

Gageons que sa fille Jennifer, poursuivra l’œuvre paternelle. A la manœuvre avec son paternel lors du dernier Marathon de septembre 2017 en plein Vigipirate, elle avait parfaitement bouclé l’organisation de l’événement et en avait fait un formidable pied-de-nez à tous les pisse-froids de la planète.
Lire les reportages sur le Marathon des Leveurs de Coude
- Edition 2007
- Edition 2011
- Edition 2015
- Edition 2017 – Les 30 ans du Marathon