Initiative sincère ou coup de com? La tribune parue dans le Figaro du 20 avril et officiellement signée de 17 chefs macaronnés du Collège Culinaire agite le « landerneau de la gastro ». La perspective d’une réouverture des restaurants qui pourrait être fixée au 15 juin par le Président Macron a amplifié le débat.
L’urgence de réouvrir divise les professionnels de la restauration. «Si on ouvre avec des serveurs masqués, je ne pense pas que cela fera revenir la clientèle.» explique un patron de brasserie. Beaucoup à Paris préfèrent ainsi tabler sur le 1er septembre face à un été déserté par les touristes…et les Parisiens. «Où est le bon sens de rouvrir plus tôt ? D’autant que bien des chefs signataires de cette tribune ont plutôt des établissements fréquentés par une clientèle étrangère qui a disparu. Espèrent-ils que les Français vont la remplacer ? » interroge un patron de brasserie parisienne.
Peut-on mettre dans le même pot la cuisine citoyenne vertueuse saine bien tracée avec les risques liés à un virus mortel ? «Bref, mélanger le sanitaire – en impliquant le ministère de la Santé- et la gastronomie n’est-ce pas faire un amalgame ?» interroge un Maître-Restaurateur. Un établissement pourrait-il se voir refuser son « attestation d’ouverture dérogatoire » parce qu’il recourt à des surgelés au lieu de produits frais. On meurt du Covid pas d’un fond de veau en poudre.
«En tant que membre, je suis très gêné aux entournures quand il y a des prises de position qui ne tiennent pas compte de la réalité des adhérents. On rentre au Collège culinaire pour cuisinier des produits de saison mais je ne paye pas une cotisation pour qu’on décide pour moi à quel moment mon entreprise a le droit de survivre ou pas.» Didier Désert, patron de l’Ambassade d’Auvergne (Paris 3) et membre du Collège Culinaire.
D’autres regrettent que cette tribune ne soit pas rentrée dans le détail des mesures anti-covid. Certes, il y a bien un briefing quotidien de 30 mm. «Mais quel petit bistrot aura les moyens d’y consacrer autant de temps ?» interroge un patron. Beaucoup pointent le critère de la distanciation sociale.
La distance entre les tables des clients, c’est l’antithèse du bistrot. C’est aussi le signe caractéristique d’un « Grand Restaurant » où l’espace entre les tables va de soi. Or, les chefs signataires de la tribune sont justement à la tête de grands restaurants. Les mieux placés donc pour répondre aux conditions d’un déconfinement partiel.
Pour les autres, bistrots ou restaurants de quartier, ne proposer qu’une table sur deux est synonyme de plongeon pour la rentabilité. Même s’ils sont chers au Président, on voit mal ce dernier répondre à la revendication de ces « premiers de cordées » de la grande cuisine et prendre le risque de laisser dévisser le reste du peloton des fourneaux.
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