C’est un livre hommage. Il rend justice à un créateur souvent oublié du grand public mais dont la contribution à l’univers parisien -et pas simplement pour la conception de plus de 200 restaurants- durant près de quatre décennies fut marquante. Originaire d’une famille de la noblesse russe, le jeune Wiatscheslav Vassilieff se fera un nom en France avec un pseudo claquant comme un coup de fouet de cosaque. Slavik.
Bouillonnant comme un tout bon artiste slave, il sera un apôtre du « Touchatouisme » prôné par Cocteau. Encore étudiant aux Arts Déco, il enchaîne les collaborations. Travaille pour des artistes tels que Cassandre, le plus grand affichiste du XXe siècle. Conçoit des décors de théâtre pour le Vieux Colombier, des paravents ou des tapisseries pour Aubusson ou les Gobelins. A partir de 1952, Slavik travaille sur les vitrines des Galeries Lafayette en leur donnant une dimension théâtrale.


A la lecture du livre, on mesure l’intensité de la vibration pour la vie parisienne que fut le lancement des Drugstores Publicis. Ces temples consuméristes et iconiques des Trente Glorieuses ne tournant jamais le dos à un art de vivre français. Il y aura d’abord celui des Champs-Elysées en 1958, puis celui de Saint-Germain-des-Prés en 1965 où Slavik se lâche avec ses mains à six doigts et ses bouches moulées dont celle de Jeanne Moreau … Il y aura aussi le pub Renault puis d’autres pubs et des dizaines de belles affaires.
Ce sera autant d’occasions pour l’artiste de déployer une infinie variété de styles, montrant ainsi l’étendue de ses références comme la puissance de sa créativité. Sans parler de sa maîtrise des matériaux. On trouve en effet de tout chez Slavik : de l’univers ferroviaire, automobile, des références aux saloons, à la Belle époque avec volutes de bois et lampes tulipe, sans oublier l’Art déco et, bien sûr ,le style bulles orangées des années 70. Seul dénominateur commun peut-être, le recours aux courbes. Même lorsqu’il travaille le métal comme au Jules Verne du 2ème étage de la Tour Eiffel.


Mais, même au pays de la grande cuisine, les restaurants – fussent-ils l’œuvre d’artistes- demeurent des œuvres éphémères. Ce n’est donc pas le moindre mérite de cet ouvrage somptueusement illustré de les tirer des oubliettes.
Norma Editions
Prix : 55€