La Semmaris – l’aménageur du marché de Rungis- édifie un « temple du fromage ». Stéphane Layani, son PDG, a célébré la pose d’une de ses dernières poutres le 21 février. Ce pavillon écologique et ultra-moderne s’étendra sur 9 000 m2 et aura un carreau de vente de 6 000 m2. Il disposera de panneaux solaires sur son toit. Il sera concédé au Groupe Odéon, principal grossiste en fromages et produits laitiers de « Rungis », qui appartient à la coopérative des Maîtres Laitiers du Cotentin.
Sur place, tous les fromagers rungissois ne se prosternent pas devant ce nouveau « temple ». En pointe, l’opposant déclaré au patron de la Semmaris, l’ancien président du syndicat des grossistes et fromager lui-même, Jean-Michel Peuch. A ses yeux, ce pavillon exclusif remet en cause les notions de marché et de libre concurrence qui font l’essence du Marché d’Intérêt National (MIN).
«C’est un pas de plus vers l’industrialisation de Rungis qui met en avant les géants, en l’occurrence les grandes coopératives agricoles. Rungis n’est plus un marché mais une plate-forme logistique de cash-and-carry » accuse-t-il en pointant notamment le rôle de future gare multimodale de fret dont les travaux devraient débuter à la fin de l’année.
Sophie Desailly, dirigeante du groupe Desailly, autre acteur fromager du MIN est sur la même longueur d’ondes.
«Depuis 1969, – année de la création du Marché de Rungis- c’est la première fois que l’on voit ça. On crée un clivage dans le « secteur fromages». Jusqu’à présent les entreprises de chaque secteur étaient réunies dans les mêmes bâtiments. Désormais, France Frais – nom du réseau de distribution des Maîtres Laitiers du Cotentin, NDLR- se fait construire un bâtiment devant la Cantine du Troquet et nous, nous allons devoir rester dans les vieux bâtiments D4 et D5 encore deux ans. »
S’il est un secteur alimentaire où la biodiversité et la créativité française s’avèrent sans limites, c’est bien dans les fromages. Reste alors à savoir si ce futur pavillon fromager y contribuera … ou pas.