Jamais contexte d’un Salon de l’Agriculture fut moins folichon que celui de cette 61ème édition. Les calamités -météorologiques et virales- ont déferlé sur l’Hexagone en 2024 épargnant peu de secteurs. A ces plaies – passagères ?- la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a ajouté celle de la perte de la souveraineté alimentaire. Elle n’a pas eu besoin de forcer sur la rhétorique se contentant de citer deux chiffres : 70% des fruits consommés en France n’y sont pas produits et 50 % des poulets sont désormais importés.
Et la Ministre de souhaiter voir ce salon comme un nouveau point de départ pour l’agriculture française, celui de la reconquête. A ses yeux, réhabiliter l’acte de production n’est pas tomber dans le productivisme, comme ce qu’on peut voir en Pologne ou en Ukraine. « Chez nous, on ne trouve pas de ferme des 1000 vaches. ». Soit, mais le glissement de l’élevage vers les céréales s’accompagne ici et là d’une modification des paysages liée par exemple à la disparition des haies. Le débat actuel au parlement, sans consigne claire du gouvernement, sur la réintroduction des néonicotinoïdes, indispensables aux betteraviers mais tueurs d’abeilles, symbolise pour certains un sérieux retour en arrière qui vient en écho d’un recul de l’agriculture bio. « Opposer l’environnement et l’agriculture est une impasse, il y a un chemin possible, compliqué et étroit mais c’est celui qu’il faut emprunter. » assure Annie Genevard.
« Opposer l’environnement et l’agriculture est une impasse, il y a un chemin possible, compliqué et étroit mais c’est celui qu’il faut emprunter. »
Annie Genevard
De son côté, Jérôme Despey, le nouveau président du salon, dont c’était la première prise de parole, a souligné le caractère international du Salon avec pour la première fois un invité d’honneur, le Maroc. Il a surtout insisté sur le côté humain de « la première ferme de France » dont le visiteur « ne doit pas sortir indemne». Ce qui doit selon lui redonner espoir au monde paysan.

A ce sujet, Bruno Cotrès, politologue et chercheur au Centre d’études de la vie politique française (CEVIPOF) a mis le doigt sur l’importance symbolique du Salon. A l’entendre, elle ne l’a jamais autant été que cette année, compte tenu des maux qui frappent la société française. «Le pays ne comprend plus rien … la confusion imprègne les esprits. » a-t-il expliqué en substance. Pour lui, l’agriculture s’est longtemps caractérisée par un engagement citoyen, des valeurs de solidarité et le sens du travail. Pour le politologue, le bien-manger et le bien-être ensemble sont des éléments fondamentaux de la citoyenneté. C’est sans doute aussi pour cela que le Salon attire 600 000 visiteurs. Voilà pourquoi il faut prendre garde au « risque d’un repli » du monde agricole. Une façon sans doute de se référer au sentiment de « dégagisme » qu’on a pu voir s’exprimer ici et là, à l’occasion de la campagne électorale pour les chambres d’agriculture.
« Je ne veux plus revoir de visiteurs empêchés de rentrer le premier samedi, ni de hall fermé ».
Jérôme Despey

Quid justement des accès de colère porte de Versailles ? « Je ne veux plus revoir de visiteurs empêchés de rentrer le premier samedi, ni de hall fermé » a décrété Jérôme Despey. Pour ce faire, il a expliqué avoir préparé une charte destinée à encadrer les visites des 80 politiques attendus au Salon. «Il faudra que toute le monde s’y tienne ! » a prévenu Jérôme Despey. Avis au président Macron, à ses gardes du corps et aux CRS…