Un vrai coup de gueule contre les artisans boulangers qui ne prennent plus la peine de cuire leur pain. Selon lui cette perte de la croustillante baguette n’est qu’un indice supplémentaire de la perte du goût français qui s’observerait également dans le vin, qui selon lui se « merlotise » de plus en plus.

Extraits « Si presque un quart des Français mangent un pain dit de tradition (fabriqué sans additifs, sans avoir été congelé, à la suite d’une longue première fermentation, jaillissement des arômes et des saveurs), 75 % (y compris beaucoup trop de restaurateurs, véritable honte !) se contentent de la baguette blanche, souvent lessivée, dénaturée, insipide. Pourquoi ? Dans bien des cas, l’habitude et la routine, fruits de la double renonciation du boulanger et du consommateur, pèsent plus que le facteur prix, au moins jusqu’à l’éclosion de la grave crise actuelle. Le comportement des consommateurs me semble symptomatique d’un phénomène pernicieux plus vaste : le goût fout le camp en France, pays où il est (pratiquement) né, nation qui se croyait immunisée culturellement contre le crime de lèse-gastronomie. … Tout devient standardisé, calibré, globalisé ; le vin un peu partout dans le monde est insidieusement » merlotisé « . La demande et l’offre sont complices ; le consommateur est désensibilisé et il ne peut plus compter sur son fournisseur, même de proximité, pour prendre le risque de défendre une notion de qualité qui devient ringarde (antiéconomique, dira-t-on). … même chez les meilleurs artisans…: on ne cuit plus suffisamment la baguette, même de tradition. Le réflexe est commercialement compréhensible, mais néanmoins myope, voire catastrophique à terme. L’artisan boulanger dit : mes clients ne veulent pas de pain cuit. Soit. Mais ils ne font pas le bon choix parce qu’ils sont mal informés, mal éduqués par l’artisan, qui opte pour la facilité commerciale, l’entente commode. C’est à l’artisan de leur dire que, pour atteindre son sommet sensoriel, le pain doit être correctement cuit ; fréquemment, la croûte est à peine saisie, aussi blanche à l’extérieur qu’un médiocre pain l’est à l’intérieur. Sans une croûte franchement dorée et caramélisée (donnant le merveilleux cocktail sucré-grillé), l’échange d’arômes entre la mie et la croûte ne peut pas avoir lieu.»
La position de Steven Kaplan n’est pas nouvelle, en 2008, il avait donné une interview à Paris-Bistro où il pestait déjà contre la perte des savoir-faire des boulangers Parisiens.