Vénérable Rubis ! Aucun doute là-dessus. Robert Doisneau aurait aimé à coup sûr saisir dans ce troquet un Jean Carmet en train de se jeter un blanc gommé derrière le col. « Le Rubis » n’est pas simplement un joli nom qui évoque une certaine robe de cru du Beaujolais. Il demeure un étendard de la tradition et un fortin parisien contre une certaine artificialité qui frappe ce premier arrondissement autour du marché Saint-Honoré.
A l’été 2015, après des décennies passées entre cave et comptoir, Albert Prat -originaire de Laguiole- a passé la main et cédé le fond à un compatriote, Christian Valat. Ouf ! ce dernier n’est pas prêt de changer d’un iota la formule bistrotière. Il a commencé à insuffler ici un souffle nouveau qui produit son effet surtout le soir, -car le midi, l’affaire est pleine comme un œuf-, quand les banquettes commencent à être convoitées par jeunes et moins jeunes et que défilent les planches de charcuterie (10€) comme frisbees à Malibu.
C’est un ancien du Gavroche qui tient la boutique. Jean-Philippe est du genre talentueux bistrotier du vin. Celui qui sait vous mettre en bouche au comptoir, par exemple avec un coteaux du giennois 2014 signé Bertrand Graillot. Plein de finesses et de subtilités enchanteresses.
A table, c’est toujours « plus «tradi» tu meurs » ! En entrées, poireaux vinaigrette (6€), escargots français bio (8€ les 6), museau, lentilles etc…. Puis, pavé (15€), entrecôte (22€) ou tartare (14,5€). Et parfois des rognons de veau au porto (18€) conformes à l’idée que l’on s’en fait. C’est-à-dire entiers, généreux, saisis dehors, rosés dedans.
Et puis, il y a le vin. Eternelle raison d’être de cette maison qui met encore le sien en bouteille … L’approche bachique n’est pas compliquée. Cinq beaujolais, trois côtes-du-rhône et quelques grands bordeaux comme un pomerol château Bellegrave ou Château Ormes de Pez en Saint-Estèphe (66€). Sans oublier un quintet bourguignon, du générique au Gevrey-Chambertin. Et surtout un chinon, l’enfant de la maison comme le chiroubles, puisque mis en bouteille dans la cave même du bistrot comme il y a 50 ans. Une fois bues, les quilles redescendent en cave où les attend tel un garde suisse du Vatican, le vaillant Friederich. Cet auguste appareil helvète qui n’est plus tout jeune bouche les bouteilles avec la précision d’une Rolex. Reste alors aux flacons du Rubis à compter les jours avant de remonter à l’air libre.
Le Rubis
10, Rue du Marché Saint-Honoré, 75001 Paris – Tél. 01 42 61 03 34
Ouvert tous les jours 7h-minuit