Avec son label de « restaurant de qualité » Alain Ducasse agite le CHR !
Le fait-maison n’en finit plus d’agiter la restauration. Quinze chefs français, emmenés par Alain Ducasse et Joël Robuchon ont lancé le 8 avril une appellation pour distinguer les « restaurants de qualité » qui continuent à miser sur le « fait-maison ».
«Sur les 150.000 restaurants français, les trois-quarts ne font que de l’industriel. Les autres se battent pour cuisiner des produits frais. C’est à eux que nous nous adressons», a expliqué à l’AFP Alain Ducasse. Le chef trois étoiles du Plaza Athénée oppose les « commerçants restaurateurs » aux « artisans restaurateurs ».
Les restaurateurs devront faire preuve de transparence quant à l’origine des produits et au mode de préparation sur place. Il faudra un chef en cuisine, et non «quelqu’un qui fait réchauffer un sachet surgelé». Le candidat au label devra soumissionner auprès du Collège culinaire de France. Un collège justement co-présidé par Ducasse avec Joël Robuchon, et qui compte quinze chefs dont Paul Bocuse, Michel Guérard, Yannick Alleno, Gérald Passédat, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy. C’est ce Collège, qui pourra accepter ou refuser la demande du restaurateur candidat. Ce dernier obtiendra sa plaque d’émaille et la conservera s’il obtient au minimum 75% de satisfaction des clients, qui pourront voter sur internet, ainsi que l’approbation des quinze chefs fondateurs du Collège culinaire. Quand on connaît les « corbeaux » en action sur internet sur les sites liés aux restaurants, on peut avoir des sueurs froides…
L’initiative Ducassienne n’a pas fait l’unanimité chez les professionels. Ainsi, Didier Chénet président du Syndicat National des Hôteliers Restaurateurs Cafetiers Traiteurs (Synhorcat) considère qu’ « un label de plus ne va pas résoudre le problème ». Il faut dire que ce dernier défend un autre label, celui de « restaurant » ! Tout cela va-t-il contrecarrer la montée en puissance du label de « Maître Restaurateur », qui poursuit les mêmes objectifs et qui a au moins le mérite d’exister et même de commencer à percer. (lire l’interview de Francis Attrazic, président des Maîtres Restaurateurs).
En tout cas, cette bagarre semble une illustration de plus des clans et des coteries -on ne dira pas franc-maçonnerie- à l’œuvre dans la cuisine française auxquels s’ajoutent les manœuvres des syndicats patronaux de la restauration. Car la bataille du fait-maison ne fait que s’amplifier avec la volonté du gouvernement de règlementer pour davantage de sincérité dans les cartes.
Enfin, si Ducasse demeure un étendard pour la grande cuisine française, il lui arrive toutefois de tendre des perches à la cuisine industrielle. Ainsi en va-t-il de son opération « Tous au restaurant » à laquelle avait participé Davigel (Nestlé) ou plus récemment Knorr (Unilever Foods). Ou de ces opérations de consultings pour les recettes de Brake France, un des leaders de la cuisine préparée pour collectivités et CHR. Mais tant que ses bistrots ne serviront pas des frites surgelées, il y aura des raisons de ne pas désespérer.
(Lire notre interview d’Alain Ducasse de janvier 2012.)