Cuvée tristounette !
Si le pain révèle une civilisation alors la baguette parisienne 2008, qu’on pensait sauvée, révèle une crise profonde. A croire qu’il en va de la montée du levain comme de la baisse du moral des Français.
Certes le Prix de la Meilleure Baguette de Paris a été remporté par un cador de la boulange, Anis Bouabsa. Ce n’est pas un hasard, cet ancien Meilleur Ouvrier de France était déjà arrivé 3e l’année dernière. Mais mis à part sa délicieuse baguette et quelques autres, ce fut pour le reste une “cuvée” tristounette. 23 baguettes furent d’emblée éliminées car ne répondant pas aux standard de taille ( environ 60 cm) ou de poids, (quelques 250 grammes). Et les 153 baguettes retenues n’ont pas généré un engouement des sens chez la quinzaine de membres du jury réuni le 12 février à la Chambre syndicale .
L’aspect des baguettes était totalement irrégulier, aplati, crénelé d’accrocs, chétif ici, surgonflé là par des coups de “grignette“ improbables. Avec quelques surprises intérieures, ici un insecte, là une petite crotte de souris, là une mie trop blanche et moelleuse pour être honnête, révélant le recours à de l’acide ascorbique connu pour ses vertus anti-oxydantes. Rien d’un poison sauf que le boulanger pour sa baguette tradition ne peut recourir qu’à de la farine, du sel et de l’eau…« Bref une année décevante, un travail non satisfaisant qui révèle les problèmes de personnels de la filière » expliquait un boulanger membre du jury et ancien lauréat. «Si pour un concours on est censé donné le meilleur de soi-même, on sort de telles baguettes qui sont pourtant le symbole de Paris et de la France, alors on peut comprendre qu’on va se faire b…er par les Chinois.» déplorait un autre lauréat passé. Sans oublier que ce prix entraîne pour le vainqueur un accroissement moyen de son chiffre d’affaires de 30%…
Enfin dans les derniers éliminatoires, les plus beaux et les meilleurs spécimens devenaient franchement difficiles à départager tant leur aspect et leur goût étaient proches. Un effet de plus de la concentration en cours toujours plus poussée du secteur de la minoterie dominée par les Grands Moulins de Paris, Viron et autres Bourgeois ? Voire. Gare alors à ne pas se faire rouler dans la farine de l’uniformisation meunière.
Lire l’interview de Steven Kaplan, membre du jury et historien américain du pain français à propos de la sélection 2008 : «Une atrophie du savoir et une perte de compétence liée au grand problème de la formation des boulangers ! »
Classement 2008
1er prix : Anis Bouabsa, 28, rue Tristan Tsara – 75018 Paris – Tél. 01 40 38 18 98
2ème : Fabrice Pottier – 231, rue de Vaugirard – 75015 Paris – Tél. 01 43 06 14 83
3 ème : Maison gantier – 2, rue Corot – 75016 Paris – Tél. 01 42 15 14 41
4ème : Le Grenier de Félix – 64, av Félix Faure – 75015 Paris – Tél. 01 45 54 57 48
5ème : Emmanuel Merlhes – 225, rue de Charenton – 75012 Paris – Tél. 01 43 43 52 48