Absinthe, au début, une boisson bourgeoise et montmartroise…
Du début du règne de Napoléon III jusqu’en 1870, l’absinthe demeure l’apanage de la bourgeoisie qui aime s’encanailler en buvant cette boisson au goût original et au caractère affirmé.
Boisson chère, elle est essentiellement servie à l’apéritif dans les grands dîners parisiens ou les cafés bourgeois à la mode.
Très vite, les artistes avides de découverte et de sensations nouvelles, succomberont corps et âmes aux charmes de l’absinthe, surnommée d’ailleurs par l’écrivain Irlandais Oscar Wilde The Green Fairy »… . Traduisez «La Fée Verte».
Enivrante (car tout de même distillée à près de 70°), l’absinthe est forcément présente à toutes les réunions intellectuelles et artistiques du Paris de la Belle Epoque. Peintres, écrivains et artistes cherchent l’inspiration en sirotant sans modération l’absinthe.
Dans les cafés de Montmartre, A la Brasserie des Martyrs, au Rat mort, ou au Chat noir, cette boisson moderne et excitante trouble et envoûte les impressionnistes, Degas, Manet, Van Gogh, Gauguin en tête. Ce dernier n’écrit-il pas : « Je suis assis à ma porte, fumant une cigarette et sirotant mon absinthe, et j’apprécie chaque journée sans me soucier du reste du monde ».
Tous les peintres lui consacreront un voire plusieurs tableaux.
Le film Moulin Rouge avec Nicole Kidman n’était pas loin de la réalité. Toulouse-Lautrec à Montmartre servait en 1889 un cocktail qui faisait rougir les filles, un savant mélange … explosif d’absinthe, mandarine, vin, rouge, fine et champagne.
L’absinthe devient également la Muse aux yeux verts d’écrivains comme Oscar Wilde, Rimbaud, Baudelaire, Joyce, Hemingway, Edgar Poe.
« L’absinthe apporte l’oubli, mais se fait payer en migraines. Le premier verre vous montre les choses comme vous voulez les voir, le second vous les montre comme elles ne sont pas ; après le troisième, vous les voyez comme elles sont vraiment. » témoigne Oscar Wilde.
Charles Cros qui, dit la légende, buvait vingt verres d’absinthe d’affilée par nuit lui consacre un poème :
« Comme bercée en un hamac,
La pensée oscille et tournoie,
A cette heure ou tout estomac
Dans un flot d’absinthe se noie, … »
Avec la prolifération des cafés, bistrots et cabarets, l’absinthe va très vite se démocratiser et devenir en 1880 la boisson nationale.
L’absinthe, or vert
En 1894, la consommation d’absinthe atteint 125 000 hl. Elle passe en 1904 à 208 000 hl puis en 1910 à 360 000 hl. Des milliers de personnes vivent de sa fabrication et de son exportation. Dans les colonies françaises (Algérie, Vietnam, Madagascar) mais aussi l’Amérique du Sud, avec l’Argentine et le Chili notamment.
Pernod & Fils bien évidemment en tête. Rançon du succès, la marque Pernod et Fils fut très vite copiée. Et tous les moyens étaient bons pour utiliser à son profit le nom de Pernod . les concurrents directs de Pernod Fils s’appelle en effet Gempp Pernod, Legler Pernod, Perrenod et Cie, Emile Pernot, Père Noë…Les distillateurs rivalisaient d’imagination pour approcher au maximum du nom du père de la Fée verte.
Les batailles juridiques de Pernod Fils pour protéger son nom fut sans aucun doute à l’origine de la législation française sur les marques déposées.
La forte demande entraîne des « contrefaçons » douteuses. Ces ersatz d’absinthe seront surnommés les «sulfates de zinc».