Il n’y aura pas de vin bio européen. Après avoir constaté l’impossibilité d’un compromis entre les représentants des états membres du comité technique, la Commission européenne a décidé, le 16 juin, de retirer le projet d’un règlement. «Je ne suis pas prêt à accepter un compromis sur les standards biologiques qui enverrait un mauvais signal aux consommateurs sur l’importance que la Commission attache à la politique de qualité » a expliqué le commissaire chargé de l’Agriculture, Dacian Ciolos.
L’épilogue n’attriste pas tout le monde. Ainsi, le président du « Comité Européen des Entreprises Vins » (CEEV) qui représente les gros opérateurs et industriels du vin a accueilli favorablement ce retrait. «La solution la plus raisonnable est de rendre équivalents les « vins biologiques » aux « vins issus de raisins biologiques » existant actuellement », a déclaré José Ramón Fernández, Secrétaire Général du CEEV. « Les pratiques œnologiques pour les vins biologiques doivent être essentiellement identiques à celles des vins traditionnels.» C’est d’ailleurs sur cette ligne que la CEEV a décidé de se battre afin de permettre aux vins issus de raisins biologiques d’utiliser le nouveau logo européen pour les produits biologiques. Bref, pour eux, seul compte le raisin bio, ce qui se passe dans le caveau : soufrage, chauffage des moûts, flash-pasteurisation, ajouts de moûts concentrés, levures indigènes importe peu… Qu’importe la nature, seuls comptent les perspectives d’un marché bio en pleine croissance.
De leurs côtés, les Vignerons Indépendants étaient farouchement opposés au projet pour des raisons diamétralement opposées. (lire ci-contre, l’extrait de la Lettre ouverte à la Commission Européenne sur le Vin Biologique). Quoi qu’il en soit, cette fracture sur le vin bio évoque irrésistiblement l’opposition sur les fromages AOC au lait cru et ceux pasteurisés. Elle s’était concrétisée notamment en 2007 quand le géant Lactalis avait voulu revenir sur le cahier des charges de l’AOC Camembert au lait cru avant de finalement s’incliner devant la levée de boucliers. Et force est de constater qu’aujourd’hui dans les AOC fromagères, celles qui s’en sortent le mieux -en termes de retombées pour leurs producteurs et leurs territoires- sont celles qui ont su imposer des cahiers des charges exigeants. Voir sur ce point la différence de situations entre une appellation Comté prospère et un Cantal dont les producteurs ne voient aucune différence pour le prix d’achat de leur lait qu’il soit destiné au lait en poudre ou au cantal pasteurisé….
Sans label bio européen, le risque est grand que les ambiguïtés entretenues par les labels privés croissent pour le plus grand profit de certains mais sans doute pas celui des petits vignerons attachés à exprimer la voix de leur terroir sans les artifices du chimiques.
Sur le même sujet : Lire notre précédent article consacré à la préparation du règlement européen vin