C’est une ironie savoureuse signée Bacchus que d’observer en parallèle deux destinées de vignobles français également producteurs des deux digestifs français les plus connus : celui de Gascogne et celui des Charentes. Que suggère le Dieu du vin à cet égard ? Qu’on ne peut pas gagner sur tous les tableaux.
Avec l’équivalent de 190 millions de bouteilles, le cognac produit trente fois plus que l’armagnac (6 millions de bouteilles). Inversement, l’IGP Côtes de Gascogne représente presque 10 fois plus de volumes produits que l’IGP Vins Charentais …
En Gers, l’Armagnac, spiritueux noble et historique, s’est vu décliner et réserver ses flacons aux augustes connaisseurs et autres amateurs de premium. Les jus de colombard, de gros manseng et petit manseng qui filaient vers l’alambic ont trouvé de nouvelles affectations avec l’IGP Côtes de Gascogne.

Ces vins- blancs 9 fois sur 10- aromatiques et expressifs, bien que snobés au départ, sont devenus une réussite commerciale. Notamment à l’export, grâce à d’excellents rapports qualité-prix.
Ce serait presque un peu l’inverse dans les Charentes. Les bons résultats de la filière cognac, notamment en Asie, profitent-ils vraiment aux vignerons charentais qui vendent aux grands négociants ? Depuis les années 80, nombre d’entre eux ont décidé de réorienter une partie de leurs vignobles vers l’IGP Vins Charentais et d’être ainsi les bénéficiaires directs et exclusifs de leur production vendue souvent localement.
Mais l’identité des vins charentais est plus floue que celles de l’IGP gascogne. Il y a trois couleurs à parts égales. Des blancs à base de colombard et de sauvignon, des rosés et des rouges plutôt « merlottants » comme en Gironde voisine. La diversité en termes de rapport qualité-prix est telle qu’elle ne sert pas forcément le renforcement d’une identité vinicole charentaise. Sur place on s’en accommode, voire on la juge comme un point fort. Huit fois sur dix, les débouchés des vins charentais sont locaux. Et les touristes apprécient sans doute davantage cette diversité qu’un chef de rayon vins.
Même si tout ne se vaut pas, il y a des jolies cuvées à découvrir. «Et puis les jeunes reviennent dans les exploitations, c’est un bon signe » jubile Thierry Jullion, le président du syndicat des Vins Charentais. A terme, il espère bien convaincre ses vignerons d’appliquer la norme environnementale HV3, façon d’ancrer les charentes viticoles dans l’époque. «Le jour où on pourra se passer de pesticides, ce sera formidable» . Car une chose est sûre, l’influence océanique est commune aux deux vignobles. L’humidité aussi .Pas facile dès lors de se mettre au bio. Attention alors à la baisse des rendements.
Chiffres clés
Surface du vignoble : 2000 ha
IGP : Le 5 août 2009, les Vins de Pays Charentais sont reconnus en IGP Charentais. En 2017, les « Vins de Pays Charentais » deviennent les « Vins Charentais »
Production : entre 80 000 et 100 000 hectolitres selon les années.
Producteurs : 600 vignerons dont 145 caves particulières, 5 coopérativesCépages :
Blancs : colombard , sauvignon, ugni blanc, chardonnay
Rouges : merlot, cabernet franc, cabernet sauvignon et pinot et gamay